Il y avait une superficie de 21 ares 82 centiares, en bosquets et charmilles, avec quelques ormes et grands tilleuls, et des allées rayonnantes autour d’une statue de Cérès, datant du Grand Siècle. A sa mort, en 1812, le chirurgien laissait à sa fille unique, outre la maison de Châtillon et divers terrains à Châtillon et à Fontenay, un bel hôtel, place des Vosges. Malheureusement, celle-ci avait fait un fâcheux mariage avec un sieur Garnier, prénommé Arbogaste-Philibert, qui la ruina. Elle s’en sépara en novembre 1820, mais pour satisfaire aux créanciers qui la poursuivaient pour réparations faites à son hôtel, la maison de Châtillon fut mise en adjudication au mois de janvier 1827.
L’acquéreur fut un noble Irlandais, né en France de mère française, Augustin-Désiré-Hyacinthe, comte de Bermingham, récemment marié à une jeune française, Flore-Euphémie du Chesnel, mais ils quittèrent Châtillon au bout de dix ans pour aller habiter à Bailly, près de Versailles. L’acte de vente du 12 juillet 1837 était en faveur de Louis-Christophe Hachette: c’était le fameux libraire-éditeur (1800-1864). Exclu de l’université pour opinions jugées trop libérales, il s’était juré de satisfaire pourtant à sa vocation d’enseignant, et c’est dans ce but qu’il s’établit libraire dans le quartier des étudiants, Boulevard Saint Germain. Or, il avait alors une voiture à chevaux qui, partant du boulevard Saint Germain, allait à Fontenay-aux-Roses, et le jeunes libraire avait
Déjà loué à Châtillon, une maison, avec jardin, où il se rendait tous les soirs après cinq heures, du mois d’avril jusqu’à celui d’octobre. Veuf d’une première femme, morte du choléra en 1832, qui lui avait donné deux enfants, il venait de se remarier avec une jeune veuve ayant une fille. Il était donc indispensable d’aménager la nouvelle maison, et l’architecte eut l’idée de réunir les deux corps de bâtiments séparés par la première cour, au moyen d’une longue galerie formant deux grandes pièces, qu’il surmonta d’une sorte de terrasse à l’italienne, tandis que, par souci de symétrie, il abaissait d’un étage le grand pavillon en surélevant le petit, tous les deux avec une nouvelle couverture en ardoise. L’antique maison se trouvait ainsi remis au goût du jour, sauf pour le pavillon du gardien, qui ne fut pas modifié. Les appartements intérieurs furent également refaits, et, dans une lettre de 1847, Hachette annonçait à sa fille et son gendre, alors en voyage en Algérie, qu’à leur retour, ils pourraient jouir d’un ‘petit appartement très frais et très paisible dans une petite maison de Châtillon ’.
Le jardin se trouvait en même temps transformé: le puits ayant été enterré, un grand parterre en pelouse, entouré de buis, forma le centre, avec des plates-bandes latérales tandis que le potager était rejeté à l’extrême gauche, des treillis ornaient la maison, et formaient séparation avec la cour.
C’est donc une demeure ‘augmentée… rebâtie en grande partie’ dans son aspect qu’il mettra en vente à l’été 1854, après avoir acheté le château du Plessis-Robinson, certainement plus conforme à sa situation d’alors. Un autre éditeur se porta acquéreur de ‘la petite maison’ par un acte en date du 26 août 1854: c’était Charles Perrotin, dont le gendre, le docteur Lasègue, avait aussi une maison de campagne à Châtillon. Perrotin était l’éditeur du célèbre chansonnier Béranger, dont les revenus se réduisaient avec l’âge, et c’est pourquoi ce dernier reçut la généreuse proposition de se retirer à Châtillon; mais il était d’une indépendance farouche et il refusa. Après sa mort, toutefois, survenue le 16 juillet 1857, Perrotin transporta dans l’aile occidentale de la maison l’humble mobilier de la chambre mortuaire, où il resta jusqu’à son propre décès, survenu le 3 octobre 1866, et après lequel les reliques du ‘poète national’ échurent au musée Carnavalet.
En 1873, la veuve Perrotin dut se séparer de sa demeure qui échut à William Johnston et à sa femme, propriétaires de la maison mitoyenne du n°13 (jamais le couple ne semble l’avoir habité).
Lorsque madame veuve Johnston disparut, en 1898, ses deux filles occupèrent le domaine quelques temps, puis le louèrent à M. et Mme Lambert.
Le 15 octobre 1912, devant maître Dubost, notaire à Savigny-sur-Orge, l’artiste-peintre Suzanne Frémont, née Lambert (fille des deux locataires), acheta la nue-propriété aux héritiers Johnston ‘pour y réunir l’usufruit au décès de la survivante des venderesses’. Ce n’est donc que le 7 mai 1930 que la propriété appartint complètement à Suzanne Frémont. A sa mort en 1962, son mari, l’avocat Gabriel Frémont devint le légataire universel avant que la mort ne le surprenne à son tour le 9 janvier 1963.
A la suite du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon (et puisque l’enfant du couple Frémont avait été tué durant la Première Guerre mondiale), ‘à défaut de descendants et d’ascendants’, Thérèse Rouquerol, née Frémont, Jacqueline et Hélène Frémont, nièces de Suzanne, sont désignées, pour un tiers, héritières de la propriété. La demeure échappe alors définitivement à la branche Lambert.
Jacqueline Frémont disparaît en 1971. La maison reste aux mains des deux survivantes, mais, en 1989, Hélène s’éteint. En 1990, la ville de Châtillon reprendra le flambeau et en fera sa maison des Arts où ont lieu régulièrement des expositions.